samedi 3 avril 2010

Le retour

Le 1er avril, quand j'ai retrouvé Bonnita Troccoli — Éclairs ! Orages ! Tremblements de Terre ! — j'étais littéralement obsédé par une chanson qui s'était insidieusement infiltré dans mon crâne alors que je somnolait dans l'avion :



Les statistiques sont formelles, l'Amérique me rentrait dans le caillou :


En sortant de l'avion, je me suis jeté à ses pieds , en modulant le son de ma voix comme si j'avais avalé un accordéon ou que mes cordes vocales s'étaient soudainement transformées en un minuscule tuyau d'une pompe pour matelas pneumatique :

Béébé-fiiiille,
c'est quoi ton nooooooooom ?
Moi, tu me connnais,
C'est Gwyneth Bisoooooooooon.

Refrain :

Je vais t'acheter à boiiiiiiiiiiiiire
j'ai de l'argent dans la baaaaaaaaaaaaaaaaaaanque

Et l'Amérique m'a interrompu d'un Bienvenue Gwyneth laconique qui semblait vouloir restreindre mes effusions sentimentales et l'exhibition de mes relevés de compte bancaire. Mais j'ai continué, en modulant ma voix comme si j'avais avalé un fond d'écran i-tunes, et je lui ai dit :

" Bonnitaaaaaaaa
Troco-Troco,
Bonnnita Trocoliiiiiiiiii,
allonge-toi sur le canapé-liiiiiiiiiit "

et le soleil s'est couché sur la plaine.

Le lendemain, je suis parti faire du shopping — des t-shirts, des chemises, des pantalons — et le diagnostique est tombé, terrible : ce pays est atteint d'une grave schizophrénie climatique. Ce matin, c'était l'hiver et cet après-midi c'était l'été. Bingo a dit : Moscou le matin, Rio le soir. La météo ( ici, la météo c'est un peu comme Dieu) prévoit 29 degré pour la fin de la semaine ( le pôle nord va nous tomber sur la gueule je t'explique pas ) :




; l'humilité de l'hiver est belle et bien morte et apparaissent tatouages ( NB : un soir, Bonnita Troccoli a dit : Toi-toué et Toi-touage), mollets, seins, bras et skateboards comme une attaque d'indécence qui va, très certainement et très prochainement, s'avérer nébuleuse. On raconte aussi que l'été, ici, est véritablement caniculaire. Que les moustiques sont gros comme des poings. Et que — Oh mon Dieu ! — tout le monde va sortir son pantacourt ou son short à poches multiples en exhibant ses mollets. Autre obscénité, il n'y absolument plus de neige à Montréal. Seuls subsistent quelque gros tas gris dans certains coins de parking, qui dégoulinent doucement comme des baleines morte sur une plage meurtrière.

On a retrouvé Roberto Parodi à qui on a proposé de faire un picnic et qui a dit : " ah ouais super, on fait un picnic-viol ? ". On a retrouvé Bingo Bing, le roi du jus de fruit dynamique, qui s'est plongé dans la lecture attentive du livre d'un mec qui bossait pour la NASA et qui nous assure que très bientôt, ça va être l'horreur partout sur la planète. Bonnita Troccoli a dit que Roberto Parodi et moi étions deux gros dégueulasse ( je n'arrêtais pas de répéter en m'esclaffant bêtement Picnic-Viol, Picnic-Viol, Picnic-Viol). La femme de Roberto Parodi, Poster Desiree s'est acheté deux chihuahua. J'ai croisé une indienne qui m'a demandé si elle pouvait finir la cigarette que je m'apprêtais à jeter. Les voitures sont toujours aussi grosses et interminablement neuves. Et, bien que lors d'une soirée j'ai faillit me faire péter la gueule par une femme qui trouvait que je la regardais mal, l'arriver de l'été ( ici, on ne peut pas vraiment parler de printemps) semble déclencher une affreuse et très embarrassante tendance à la sympathie et à l'exhibition d'une certaine idée du bonheur.

Exemples :

1. Alors que je cherchait une chemise, je suis repassé dans un magasin où j'avais acheté une veste. Le vendeur m'a dit " salut ! " et j'ai cru qu'il me reconnaissait alors on a discuté un peu. Et tout à coup en plein milieu de notre discussion, le voile gris du ciel s'est déchiré et le vendeur s'est rué hors de sa boutique en criant : LE SOLEIL ! LE SOLEIL ! me laissant seul et interloqué au milieu de ses chemises de seconde main.

2. On a vu un homme demander sa future femme en mariage, agenouillé au milieu de la terrasse comble d'un café farci ; et la terrasse entière d'applaudir comme dans une émission de télévision dont le thème serait l'Amour et les Terrasses Combles de Cafés Farcis.

3. J'ai vu un cycliste rouler sur le trottoir et faire une feinte " sympa ". C'est-à-dire qu'il mimait un atermoiement directionnel, dirigeant sa roue-avant une fois à droite, une fois à gauche, debout " en danseuse " sur les pédales de son Vélo-Toute-Ville ( VTV ), tout en affichant un gigantesque sourire à l'intention de deux inconnues qui semblaient apprécier ce genre de cyclo-taquins.

4. Énormément de petit vieux sortent de terre juchés sur une manière de fauteuil roulant/mobylette électrique. Casquette de celluoïd vissé sur le crâne, chemise à fleurs en accord avec leur vitesse de croisière, ils semblent rouler sans but en fumant des clopes dans toute la ville, exactement comme leurs cadets rôdent un peu partout, planche de skate sous le bras et pantalon hyper moulant sur les chevilles. La rumeur dit que la ville offre ces engins à qui les demande, que la plupart des petits vieux n'ont rien d'autre qu'un mal de dos et qu'il souhaitent uniquement profiter de l'explosion printanière pour s'exhiber avec tout le reste du monde qui roule.

Pour ma part, j'ai décidé de me fondre dans le paysage : je me suis acheté une chemise hawaïenne, je cherche des lunettes de soleil :



Je dis oui! au Nouveau Monde et je vais très certainement m'acheter des gougounes*

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*Fam. Sandale de plage de caoutchouc ou de plastique léger, formée d'une semelle et d'une bride en V ou en X ; tong.

4 commentaires:

  1. jolies les lunettes...

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  2. mais la chemise te va comme...un gant???

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  3. Talentueux dans le narratif hormonal,le Bison,certes...
    mais,foutrecouille,travaille les accords...participe passé-infinitif...

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  4. Là,tu es un nouvel homme...le détail qui tue, ,ce sont les grolles...toujours les memes qu à Paname...franchouillardise,quand tu nous tiens...meme par les pieds..
    PS...avant des porter des gougounes,il faut oter les chausettes...

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